Considérée comme un levier important dans la lutte contre le changement climatique par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la contribution carbone offre de nombreux avantages. Elle stimule la collaboration pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et favoriser l’émergence de projets innovants à faible empreinte carbone.
Toutefois, la communication sur ce sujet peut comporter des risques significatifs, notamment celui de diffuser un message s’apparentant à du greenwashing. Cet article examine comment communiquer de manière authentique et transparente sur les projets de contribution carbone, en analysant les risques associés à l’utilisation excessive de l’argument écologique, la réglementation et les bonnes pratiques.
« En français, le verbe « compenser » signifie « équilibrer un effet par un autre, neutraliser un inconvénient, un préjudice par un avantage. »
Larousse
« En matière climatique, le terme de compensation laisse croire au public qu’un projet de « compensation carbone » permettra d’annuler, sur un plan physique et moral, les émissions qui sont relâchées par ailleurs et de rétablir l’équilibre. L’une des conséquences de son utilisation est de dédouaner l’acheteur, de gommer son réel impact et donc d’empêcher des changements de comportements, voire de provoquer des effets rebonds négatifs. »
Utilisation de l’argument de "neutralité carbone", ADEME
« Je compense donc je consomme » et pourquoi le greenwashing freine la transition écologique
Carbone4, un cabinet de conseil spécialisé dans l’ingénierie carbone, évoque dans cet article que réinventer notre sémantique permet de réinventer notre rapport à la finance carbone. Soigner le choix de ses expressions est donc essentiel.
Vous les avez sûrement vus sur les emballages ou lors d’une réservation d’un billet d’avion : des termes tels que « 100% compensé », « zéro impact carbone », etc. apparaissent partout et peuvent donner l’impression qu’il est possible de compenser intégralement les émissions liées à ses activités et de devenir « neutre en carbone » sans réduire ses réelles émissions de gaz à effet de serre. L’utilisation abusive de l’argument écologique présente en effet plusieurs points problématiques :
- Tout d’abord, elle retarde la prise de conscience du public quant au changement de ses habitudes de consommation. Si une personne lit sur le site web d’une compagnie aérienne que son trajet sera « 100 % compensé », cela donne le sentiment qu’il est tout à fait possible de continuer d’effectuer ses trajets comme avant.
- Cet argument invisibilise les efforts des entreprises réellement engagées, car si tout le monde se proclame « neutre en carbone », le consommateur finit par se méfier de cet argument et n’accorde plus aucune crédibilité à toutes les structures utilisant cette notion.
Au contraire, utiliser le terme « contribution » est un choix plus judicieux car il renvoie au sens littéral de ce mot, car si l’on finance, par exemple, un projet de reboisement via des crédits carbone, on n’annule pas nos émissions, on ne les compense pas : on ne peut donc appeler cela une « compensation ». Grâce au financement de ce type de projets, comme ceux accompagnés par le guichet carbone de l’Agence du climat, on contribue à la séquestration carbone et à la favorisation de la biodiversité : la dénomination de « contribution » parait donc plus ancrée dans la réalité et plus transparente. Pour toutes ces raisons, l’Agence du climat a décidé d’utiliser le terme de « contribution » et non de « compensation » carbone, soulignant ainsi la nécessité d’agir activement en amont de toute contribution pour éviter ou réduire les émissions à la source plutôt que de simplement les compenser.
Réglementation et communication responsable
Depuis le 1er janvier 2023, une nouvelle législation encadre strictement l’utilisation de l’argument de neutralité carbone dans les publicités en France. Cette loi dispose qu’il est désormais interdit d’utiliser l’argument de neutralité carbone, sauf en respectant les conditions suivantes :
- rendre public un bilan complet des émissions de gaz à effet de serre, incluant les émissions directes et indirectes du produit ou service,
- expliquer la démarche suivie pour éviter, réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre, avec des objectifs annuels de réduction quantifiés,
- respecter les modalités de compensation des émissions résiduelles.
En cas de non-respect de ces obligations, une amende de 20 000 € peut être imposée à une personne physique et de 100 000 € à une personne morale. Ces montants peuvent atteindre le montant total des dépenses consacrées à l’opération illégale.
Cette loi fait partie de la LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021, qui vise à lutter contre le dérèglement climatique et à renforcer la résilience face à ses effets. Elle assure que les affirmations environnementales utilisées dans les publicités sont vérifiables et transparentes, renforçant ainsi la communication responsable.
En d’autres termes et au-delà de la communication, il ne suffit plus de neutraliser les émissions par des actions compensatoires (comme planter des arbres) ; les entreprises doivent démontrer des efforts concrets et continus pour réduire et éviter les émissions dès le départ.
Cette évolution renforce la transparence et l’authenticité des engagements environnementaux des entreprises, alignant ainsi les pratiques de communication avec les objectifs de durabilité et de responsabilité sociétale.
Comment bien communiquer sur la contribution carbone ?
Premièrement, si vous êtes en train de construire une campagne de communication afin de valoriser n’importe quelle démarche vertueuse de votre structure, pensez à tester votre message avec des tests en ligne de l’ADEME qui permettent de l’auto-évaluer. Ils vous donneront un premier aperçu et vous aideront à vérifier si la caractéristique écologique de votre produit et service est suffisante pour utiliser ce type d’argument.
Plus spécifiquement, concernant votre démarche d’achat des crédits carbone, pensez à utiliser le terme « contribution à la neutralité planétaire » au lieu de « compensation » afin de :
- Souligner le défi collectif de la neutralité mondiale,
- Indiquer que la démarche de contribution ne réduit pas le bilan carbone de la structure ;
- Valoriser les bonnes actions plutôt que se concentrer sur annuler les mauvaises.
Expressions utiles pour valoriser votre démarche de contribution carbone
- Cette année, notre entreprise/organisation a financé, à hauteur de X %, trois projets de séquestration et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ayant obtenu le label Bas Carbone, dans [préciser les régions concernées].
- Depuis X années, nous soutenons financièrement le projet [nom du projet] labellisé [nom du label] qui contribue à la résilience de [nom de la région] face au changement climatique.
- Nous avons acheté X crédits carbone pour soutenir des projets de réduction des émissions de GES ou de séquestration labellisés en dehors de notre chaîne de valeur.
- Nous avons acheté X crédits carbone pour soutenir des projets labellisés et contribuer ainsi à l’objectif planétaire de neutralité.
- Depuis X années, nous soutenons financièrement plusieurs projets labellisés de reforestation qui contribuent à l’objectif de neutralité carbone globale et soutiennent la biodiversité.
Un exemple positif de communication transparente sur la contribution carbone (Internationaux de Strasbourg) :
Conclusion
En choisissant de parler de contribution plutôt que de compensation carbone, les acteurs économiques et institutionnels peuvent non seulement se conformer à la législation en vigueur, mais aussi adopter une approche plus transparente et authentique dans leur communication. Cela exige des acteurs qu’ils fournissent des informations détaillées et accessibles sur leurs émissions et les démarches pour les éviter, les réduire et les compenser. En rendant ces informations publiques, les acteurs permettent au public de vérifier l’authenticité de leurs engagements environnementaux.
En conclusion, cette approche plus rigoureuse et proactive dans la communication permet de renforcer la confiance tout en favorisant des actions concrètes et durables pour lutter contre le changement climatique.
Sources
Carbone4 : Ne dites plus « compensation » : de la compensation à la contribution
Compensation carbone volontaire : 5 règles de bonnes pratiques préconisées par l’ADEME
- LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
- Guide anti-greenwashing de l’ADEME