Publié le 28 octobre 2022

Les effets du changement climatique deviennent de plus en plus perceptibles sur notre territoire. Les agriculteurs et les maraîchers se retrouvent ainsi en première ligne face aux phénomènes météorologiques extrêmes. Nous avons échangé avec Magali Belarte, une maraîchère alsacienne, afin de comprendre comment son activité est impactée et comment nos habitudes alimentaires pourraient être amenées à changer à l’avenir.

Monoculture alsacienne de maïs, touchée par la sécheresse.
Monoculture alsacienne de maïs, touchée par la sécheresse. © Agence du climat

Depuis 1959, la température moyenne annuelle a augmenté de 1,5 °C et le nombre de jours de gel a diminué de 12 jours par an sur l’Eurométropole de Strasbourg.

Source : Météo France

Il est lundi matin, nous sommes à Hoerdt et un léger voile brumeux du matin repose sur le Ried. Les rieds alsaciens sont des zones riches en biodiversité et très propices aux cultures maraîchères – l’eau s’y retrouve en abondance grâce au niveau élevé de la nappe phréatique rhénane. Une partie de la production alimente ensuite les marchés strasbourgeois, où nous avons rencontré Magali Belarte, maraîchère installée à Hoerdt. Depuis quelques années, elle remarque un impact croissant du changement climatique sur le rendement de ses récoltes.

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Le Ried. © Agence du climat

Après un été 2022 chaud et sec, je constate que le nombre d’acariens a considérablement augmenté. Ces nuisibles endommagent fortement des légumes-feuilles, comme le chou ou la salade. Le changement climatique amplifie les phénomènes météorologiques : les pluies deviennent diluviennes, tropicales, elles abîment une partie de la production qui n’est pas abritée dans les serres.

Selon l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), les variations du cycle de vie des végétaux sont le premier marqueur du changement climatique. Magali Belarte nous confirme qu’elle observe bel et bien des variations concernant les dates de récolte ou le calendrier des saisons : « Les maraîchers doivent toujours travailler deux à trois saisons en avance, car il faut préparer la terre et effectuer un grand nombre de manœuvres. J’estime qu’aujourd’hui le décalage avec le calendrier des travaux est de trois semaines. Avec le changement climatique, il devient difficile de planifier sereinement ses activités. » De la part des consommateurs, on entend le même son de cloche : « Le calendrier des saisons a été bouleversé. Chaque année, des produits comme des asperges arrivent de plus en plus tôt. On ne peut plus se référer aux connaissances de nos ancêtres. » Parlant de savoir, l’éducation du public est cruciale dans l’adaptation au changement climatique. Pour Magali Belarte, ce genre d’enseignement devrait également avoir lieu à l’école. 

Aujourd’hui, seule une partie de la clientèle est attentive aux enjeux comme l’empreinte carbone des fruits et légumes et que le prix ne doit pas être le seul critère d’achat des produits. Je pense que l’école devrait éduquer en cette matière dès le plus jeune âge. Nous n’avons pas de moyens de communication pour sensibiliser tous les clients au fait qu’acheter du bio, c’est bien, mais si c’est du bio qui vient de l’autre bout du monde, ce n’est pas nécessairement mieux que l’achat des denrées locales en circuit court, mais non labelisées. Je pense qu’une bonne idée serait d’organiser des ateliers de sensibilisation aux enjeux environnementaux liés à la consommation aux marchés. Sinon, n’hésitez pas à poser des questions et à échanger avec votre maraîcher !

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Magali Belarte, maraîchère à Hoerdt, nous montre son champ de choux-fleurs. © Agence du climat

La crise énergétique et l’inflation, tout le monde en parle. Et vous, est-ce que vous ressentez les effets de ces enjeux autant globaux que locaux ?

J’observe l’impact de ces problématiques de manière double. Mes activités sont quotidiennement impactées par l’augmentation des prix de l’énergie : le carburant pour venir au marché, l’arrosage, le chauffage des serres… Parlant de chauffage, l’interdiction de chauffer des stands de maraîchers pourrait résulter en gaspillage alimentaire, car nos légumes ne supportent pas des températures inférieures à - 4°C en hiver. J’ai remarqué également qu’avec la baisse du pouvoir d’achat le panier moyen a baissé. Dans ces circonstances, je conseille encore une fois aux clients d’acheter des produits locaux et de saison, qui sont également les moins onéreux. En ce moment, choisissez des carottes, des pommes, des pommes de terre, des céleris, des poireaux, des épinards...

Le marché en 2050

En prenant en compte tous les changements évoqués, il est difficile d’imaginer sa visite au marché en 2050. Est-ce que dans 30 ans on pourra toujours s’offrir une belle salade, des endives ou des pommes de terre ? Est-ce que les amateurs de la cuisine alsacienne auront toujours de quoi préparer leurs recettes, par exemple une choucroute traditionnelle ?

Le climat se réchauffe rapidement et les effets sont déjà visibles. Les plantes n’arrivent pas à s’adapter à cette vitesse. À l’avenir, il faudra donc se tourner vers des fruits et des légumes aimant le climat plus chaud. Pour préparer votre choucroute alsacienne, au lieu d’utiliser le chou, très fragile, il faudra peut-être penser au pak choï. Il s’agit d’un chou chinois résistant et polyvalent en cuisine. Si vous aimez les pommes de terre, indispensables pour accompagner la choucroute, j’ai une mauvaise nouvelle : les légumes-racines vivent très mal les températures supérieures à 30 °C. En remplacement, je vous proposerais d’utiliser les patates douces, qui se portent très bien même en cas de chaleur. De plus, leurs feuilles sont comestibles, vous pouvez les cuisiner comme les épinards. Concernant les fruits, vous pourrez peut-être mettre dans votre panier des kakis, des nashis (N.B. ce sont des poires japonaises), des figues, des nèfles…

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La patate douce, dont les feuilles sont comestibles. © Agence du climat

La choucroute au pak choï accompagnée de patates douces… Pensez-vous que les Alsaciennes et les Alsaciens l’apprécieront ?

Effectivement, cette transition nécessitera un certain effort de la part des consommateurs. Il faudra changer ses habitudes. Par exemple, pour les salades, il sera peut-être possible de les cultiver, mais à quel coût environnemental et financier ? Si elles deviennent fragiles, il faudra les traiter plus, les arroser plus, elles ne vont pas assez grandir… Nous serons donc amenés à introduire de nouvelles variétés, comme la trévise, une salade italienne à feuilles dures ne nécessitant pas le même traitement. Je pense que le meilleur moyen pour convaincre à un changement d’habitudes, c’est de proposer des recettes, ce que je fais d’ores et déjà.

Parlant des recettes, le gaspillage alimentaire représente un vrai enjeu en France. Selon l’ADEME, chaque année près de 10 millions de tonnes de nourriture consommable sont gaspillées, soit l’équivalent de 150 kg/hab./an. Pourtant, en jetant un produit on gaspille également toutes les ressources nécessaires à sa production comme l’eau, l’électricité, les engrais, ainsi que notre temps et notre argent. Est-ce que cette thématique vous interpelle ? Quels conseils auriez-vous à donner ?

Je suis très sensible au gaspillage. Je lutte quotidiennement contre ce phénomène, par exemple en confectionnant des coulis de tomates en été, quand on se trouve avec une production abondante de tomates. Quand un grand légume s’abîme, par exemple une courge éclate, je le coupe en dés et je le congèle immédiatement. Ensuite, pour faire une soupe, c’est très pratique et il n’y a pas de grande perte de nutriments. Je vous invite donc à congeler, à pasteuriser, mais surtout à ne pas jeter ! Si malheureusement c’est nécessaire à cause de la détérioration du produit, pensez à composter vos restes.

L’association Zéro Déchet Strasbourg propose des ateliers orientés cuisine végétale et anti-gaspillage !

© Zéro Déchet Strasbourg

On y aborde, entre autres, l’organisation quotidienne : où faire ses courses, comment faire des achats responsables, comment s’organiser dans son quotidien en préparant des menus, conseils de conservation pour garder les fruits et légumes plus longtemps, quel type de plat cuisiner selon la fraîcheur des légumes, redécouvrir les légumes et les légumineuses pour en faire des plats complets et savoureux plutôt que de la soupe ou bouillis à l’eau, comment organiser son frigo… Pour ne rater aucun atelier, abonnez-vous aux pages Facebook et Instagram ZDS Strasbourg ! Vous pouvez également consulter l’agenda sur leur site web : https://zds.fr/agenda/

Près de 30 % de nos déchets jetés avec les ordures ménagères peuvent être compostés.

Seul ou à plusieurs, propriétaire ou locataire, en maison individuelle ou en immeuble, l’Eurométropole de Strasbourg vous aide et vous soutient dans la démarche du compostage. Pour votre achat de bac à compost ou de votre lombricomposteur l’Eurométropole de Strasbourg vous subventionne à hauteur de 40 euros.

Nous, les habitantes et les habitants de l’Eurométropole de Strasbourg, voyons l’impact du changement climatique avec par exemple les canicules à répétition en été ou avec la sécheresse. Mais ce sont nos maraîchers et nos agriculteurs, ceux qui nous nourrissent, qui constatent la différence de manière la plus flagrante. À l’avenir, il nous faudra modifier nos habitudes afin de s’adapter. Aujourd’hui, faisons tout ce qui est possible afin de réduire nos émissions individuelles de gaz à effet de serre. La consommation est un levier puissant, car le passage d’un régime moins carné représente une baisse jusqu’à 10 % de l’empreinte carbone totale d’un individu. Pensons également à la provenance des fruits et des légumes qu’on achète, en soutenant la production locale et de saison.

Propos recueillis par Anne Kielbassa, chargée de communication de l’Agence du climat. Vous avez un projet ou un engagement en faveur du climat ? Parlons-en !